Derniers jours d’expédition – Jørgen, professeur d’école, ramène toute l’équipe en deux transferts rapides à Itto. Nous en profitons pour régler les dernières affaires avec les Inuits et préparer tout l’équipement qui sera embarqué par les bateaux de North Sailing après notre départ. Ces derniers instants à Itto sont l’occasion de mieux comprendre la vie de cette communauté isolée, et de faire nos adieux au Groenland.
Après trois heures à vive allure sur les eaux du fjord au crépuscule, nous débarquons avec tout notre barda sur le quai d’Itto. La lueur orangée des lampadaires du village se détache sur le bleu profond du ciel nocturne. Le quai d’Itto semble être l’endroit où les jeunes du village se retrouvent le soir, et leur coup de main est bienvenu pour monter tout l’équipement à notre campement près de la station météo. Après deux mois dans la nature, ce campement temporaire entre un container et des rouleaux de câbles a un petit air de friche industrielle !
Tant les distractions que les opportunités sont rares pour les jeunes d’ici, et beaucoup vont chercher ailleurs une autre vie. D’ailleurs ces dernières années la population d’Ittoqqortoormiit n’a cessé de décliner. Un peu de tourisme commence à se développer dans le Scoresby Sund, mais il est surtout le fait d’initiatives étrangères et génère peu d’emploi local. Si le cadre est exceptionnel pour les passionnés de kayaks de mer, de ski de rando, d’alpinisme ou encore de croisière, il n’en reste que la plupart des visiteurs arrivent à l’aéroport de Constable Point et passent rarement par le village.
Les guides sont souvent étrangers, car il n’est pas toujours aisé de communiquer avec les locaux, et peu sont ceux qui possèdent une motoneige pour les séjours hivernaux (et encore moins plusieurs). La seule exception est Nanu Travel, l’office du tourisme du village à qui nous avons loué les kayaks et qui propose plusieurs séjours guidés par les mushers locaux.
Tandis qu’Aurélie dessine le village, Olive et Raph passent toute la journée dans le container que nous avons loué pour emballer notre matériel. A Nanu Travel, nous admirons trois belles dents de narvals, chassés pendant l’été. Superbement torsadées, rectilignes et immaculées, ce sont des objets magnifiques. La plus grande fait exactement deux mètres de long.
Récemment, les scientifiques ont découvert que cette dent hypertrophiée est en fait microperforée d’une myriade de terminaisons nerveuses qui relient directement au cerveau la surface extrêmement sensible de la dent. Ces capteurs renseignent le narval en temps réel sur la température de l’eau, la pression et le taux de salinité. Elle pourrait être un outil aidant les narvals non seulement à chasser mais aussi à interpréter le gel de la banquise – une compétence vitale pour un mammifère marin qui a besoin de respirer régulièrement à la surface.
Plus de lecture sur ces sujets:
Etudes scientifiques récentes sur les dents de narvals : It’s Sensitive. Really. – New York Times, 2005. Traduction française indépendante par un blogueur.
Cet excellent article en anglais décrit une communauté inuit isolée de l’Alaska où les problématiques sont similaires à celle d’Ittoqqortoormiit (sauf pour la question de la chasse à la baleine) : The Last Whale Hunt for a Vanishing Alaskan Village