Derniers jours d’expédition – Ingkasi, notre pilote inuit, est rentré à Ittoqqortoormiit faire réparer son moteur et ne revient pas. Nous nous retrouvons isolés sur l’avancée rocheuse de Sydkap, installés dans une cabane confortable à la croisée des fjords, mais néanmoins sans bateau pour nous déplacer, alors que notre date de retour approche.
Tout les jours, Ingkasi nous appelle pour nous tenir au courant de l’état de son moteur. Le signal n’est pas bon ici et nous comprenons à peine la moitié de ce qu’il essaie de nous dire. Côté émission de données par email, rien ne passe non plus, et pourtant le site est dégagé. Étrangement, nous avions une bien meilleure liaison au camp 3 sur Edward Bailey, entouré que nous étions de parois rocheuses au cœur du Renland.
Notre forfait de communication s’épuisant rapidement, nous devons de garder un lien avec le monde extérieur à la réactivité du staff d’E-Sat, notre partenaire communication satellite, qui nous active des recharges de communication aussitôt que nous les appelons. Sans leur rapidité, nous n’aurions rapidement plus eu aucun moyen de joindre Ittoqqortoormiit.
Jour 1 – le mécanicien n’est pas là. Jour 2 – le mécanicien est revenu et se penche sur le moteur d’Ingaksi. Apparemment, il a dû procéder à quelque réparation rassurante. Jour 3 – Ingkasi reprend la mer pour venir nous rejoindre. Mais après deux bonnes heures de navigation, alors qu’il contourne la côte arrondie du Jameson Land et oblique plein nord sur Sydkap, son moteur rend définitivement l’âme. Rien à faire, il ne repart pas !
Et voila Ingkasi tout seul sur son bateau au milieu des flots à attendre du secours. Il mouille l’ancre pour ne pas dériver, et appelle ses amis à Itto par téléphone satellite. Ceux-ci mettront deux jours à venir le chercher, deux longues journées qu’Ingkasi passera sur cette petite coque ouverte, ballotté par les vagues. Car le vent s’est levé et a forcit, jour après jour depuis fin août, et il ne fait pas bon s’attarder en bateau dans le fjord.
Enfin, deux bateaux arrivent et le remorquent jusqu’à Itto. Un des engrenages du moteur a cassé net et le bateau d’Ingkasi est immobilisé pour de bon. Lui-même ne sait pas sous combien de temps il pourra obtenir des pièces de rechange pour la réparation. Avant d’aller dormir pour récupérer de ses émotions, Ingkasi demande à Jørgen, professeur de mathématiques, de sport et de groenlandais à l’école d’Itto de venir nous chercher. Jørgen, accompagné de son fils, mettra à peine trois heures à venir jusqu’à Sydkap grâce à la coque profilée de son bateau et son moteur de 200 chevaux.
Au-delà de la proximité de Nordvestfjord, où nous espérions apercevoir des narvals, un autre élément nous avait confirmé dans notre choix de Sydkap comme dernier camp. La météo étant souvent capricieuse dans le fjord – l’arrivée de Laurent nous l’avait confirmé – nous souhaitions rapprocher le dernier camp d’Ittoqqortoormiit pour faciliter le retour si la météo venait à se dégrader.
Cette précaution s’est avérée salutaire, car nous avons pu ramener l’équipe en juste deux journées (au lieu de cinq ou six dans les estimations !), en profitant de fenêtres météo propices. Rétrospectivement, c’était une sage décision !