QUESTIONNAIRE D’EXPEDITION – Comment vivent-ils? Que ressentent-ils ? Les membres de Mission Scoresby se sont prêtés au jeu du questionnaire d’expédition. Ils ont bien voulu évoquer cette vie hors normes en 10 questions/réponses. Ou plus…
Brut de décoffrage. Taillé à la pierre, à vif. Il est pourtant celui par qui le rire commence, généreux, sans emphase ni tricherie. Olivier, membre de l’expé et ancien militaire, traque les affaires mal rangées comme les mauvaises manières, s’offusque des égoïsmes, de l’entre soi ; se fait le « devoir de » – une responsabilité de chef de camp – mais oubliez les titres, il n’en veut pas. Sur le glacier, le voilà qu’il déboule, une pulka accrochée au dos, deux bidons suspendus, plus de 40 kilos et cette idée que le « portage est le poids que tu choisis de t’imposer ». Le Grenoblois porte mais supporte mal, parfois. On pense aux heures passées à réparer un groupe électrogène ou sur un réchaud… Chapeau vissé sur la tête, à l’allure de cow-boy, Olivier ronchonne mais se marre, peste mais se résout, cultive les contraires. Il donne franchement mais ne reçoit pas toujours : il le sait, c’est son boulot. Entre deux réparations, il a bien voulu répondre à nos questions. Il débarque avec un large sourire et ses gros souliers rafistolés au scotch.
La dernière fois que tu as râlé ?
Ta question d’introduction ne me plaît pas du tout.
Groupe électrogène ou Goal Zero ?
Goal Zero, parce que c’est de l’énergie renouvelable, parce que c’est plus léger de deux kilos et parce que ça m’a moins pris la tête.
Ce que tu détestes le plus faire dans la vie de camp ?
Envisager de devoir faire à manger, ça me met la pression et c’est d’ailleurs quelque chose que j’ai du mal à faire chez moi. Et aussi : je n’aime pas répéter des choses qui me semblent élémentaires.
Ce que tu aimes le plus faire ?
Répéter les choses élémentaires.
Ton camp idéal ?
Celui de demain, que tu peux toujours améliorer.
Quelle est la qualité idéale d’un bon logisticien ?
La patience.
Ce que tu as appris depuis le début de l’expédition ?
Que je manque de patience, c’est une confirmation (rires). J’ai aussi appris que le narval est de la famille des dauphins.
Qu’est-ce que tu es venu chercher ici ?
La découverte de soi, de l’autre, les paysages… Un autre monde.
Ce qui t’a surpris au Groenland ?
La grandeur : je ne m’attendais pas à ce que ce soit si majestueux.
Quel est jusqu’ici ton meilleur souvenir ?
C’est un moment. Le jour où nous avons vu des lagopèdes, au camp 0. On allait tous faire notre première récup’ au camp 1 quand on est tombé dessus. C’est un jour où j’ai pris le temps d’écouter et de ressentir.
Le jour du départ. Je me souviens être dans la cour de chez moi, tout le monde était là sauf Evrard. J’ai bien cru qu’on raterait l’avion. Les deux premiers jours en bateau aussi, j’étais sacrément malade.
Comment définis-tu notre groupe ?
Eclectique, homogène, complémentaire. Chacun a de bons et mauvais côtés. Il n’y a personne à part, personne n’est malheureux. Donc ça fonctionne.
Et la faim ?
Physiquement surmontable, psychologiquement surmontable. Tant qu’on sait qu’on a toujours de la nourriture…
En un mot, comment définis-tu le portage ?
On pourrait écrire des pages dessus. C’est le poids que tu choisis de t’imposer et de ça, en découle ton rapport à l’autre. Il n’y pas un jour où je ne me suis pas posé la question : pourquoi ? C’est la question de notre action ici. Et j’en suis fier.
Ton lyophilisé préféré ?
Le lyophilisé tartiflette-choux car j’en ai la recette (il n’existe pas, NDLR).
Un conseil à un novice ?
Viens comme tu es… Mais s’il te plaît viens préparé.